Demander la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs exclusifs d’une entreprise suppose, pour le salarié, de justifier de l’existence de manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles ;
Ces manquements doivent faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.
Qu’en est-il lorsqu’qu’une VRP multicartes a été privée des années durant de toute surveillance médicale obligatoire ?
La cour de cassation a tout récemment statué dans une affaire pour laquelle la salariée avait passé, après plus de 30 ans de service dans une entreprise, une seule visite médicale suite à un arrêt maladie de plusieurs mois.
La VRP faisait valoir, entre autre, que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, devait en assurer l’effectivité ; que les examens médicaux d’embauche, périodiques et de reprise du travail auxquels doivent être soumis les salariés concourent à la protection de leur santé et de leur sécurité ;
ces arguments n’ont toutefois pas convaincu les magistrats de la juridiction suprême :
« Mais attendu qu’ayant constaté que le seul grief établi était l’absence de visites médicales d’embauche et périodique, la cour d’appel a pu décider que ce manquement ne faisait pas obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que le moyen n’est pas fondé ; « cassation sociale 29 mars 2017 (N° de pourvoi: 16-10545) voir ci-dessous.
Rappelons que dans le cadre d’une demande résiliation judiciaire du contrat de travail , le contrat se poursuit et ne sera rompu que si les juges en décident ainsi.
À l’inverse, lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail de deux choses l’une :
si les reproches imputés à l’employeur sont justifiés, le contrat de travail sera considéré comme rompu, à l’initiative de l’entreprise, sans cause réelle et sérieuse
si les reproches s’avèrent injustifiés la prise d’acte produira les effets d’une démission.
si vous considérez que les agissements de votre employeur sont tels qu’ils peuvent justifier la rupture de votre contrat de travail, compte tenu des enjeux, il est évidemment fortement conseillé de saisir notre service juridique pour avis et conseils.
Décision du 29 mars 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 20 novembre 2015), que Mme X…a été engagée par la société Maison Deutz & Geldermann, devenue la société Champagne Deutz, en qualité de VRP multicartes le 1er octobre 1985 ; qu’après avoir été en arrêt de travail pour maladie du 13 septembre 2013 au 31 mars 2014, elle a été déclarée apte à son poste le 24 avril 2014 ; qu’elle a, le 11 octobre 2013, saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de dire que la société n’a pas manqué à l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, qu’il n’y a lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail et de la débouter en conséquence de l’intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; que les examens médicaux d’embauche, périodiques et de reprise du travail auxquels doivent être soumis les salariés concourent à la protection de leur santé et de leur sécurité ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de la cour d’appel que la société a manqué à ses obligations de la faire bénéficier d’une visite médicale d’embauche et de visites périodiques pendant trente ans à compter de l’origine de la relation de travail, l’unique visite ayant bénéficié à la salariée étant une visite de reprise diligentée, à l’issue d’un arrêt de maladie de sept mois, le 24 avril 2014, soit neuf mois après l’introduction de l’instance prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu’en la déboutant de sa demande au motif que « l’absence de visite médicale d’embauche et périodique, invoquée très tardivement et en tout cas après la visite de reprise du 24 avril 2014, ne peut à elle seule justifier la résiliation du contrat de travail » la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, R. 4624-10 et suivants du même code et 1184 du code civil ;
2°/ que le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur de nature à empêcher la poursuite de ce contrat ; qu’il appartient aux juges du fond, saisis d’une telle demande, d’apprécier si le comportement de l’employeur établi par le salarié présente ce caractère de gravité ; qu’ils ne sauraient débouter le salarié de sa demande, non prescrite, sur l’unique constatation de la tardiveté de son action ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que la société a, lors de son embauche le 1er octobre 1985 et jusqu’au 24 avril 2014, privé Mme X… de toute surveillance médicale obligatoire ; qu’en déboutant cependant la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, introduite le 11 octobre 2013, sans apprécier la gravité du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, au seul motif que « l’absence de visite médicale d’embauche et périodique, invoquée très tardivement et en tout cas après la visite de reprise du 24 avril 2014, ne peut à elle seule justifier la résiliation du contrat de travail », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant constaté que le seul grief établi était l’absence de visites médicales d’embauche et périodique, la cour d’appel a pu décider que ce manquement ne faisait pas obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt