Des décisions récentes rendues par la Cour de cassation sur cette question nécessitent quelques développements :
Comme chacun le sait, l’objectif de la période d’essai c’est de permettre à un employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail.
Elle permet aussi au salarié de vérifier que les fonctions occupées correspondent à ses attentes.
La période d’essai permet donc à un employeur d’embaucher un candidat pour une durée indéterminée tout en lui laissant la possibilité de rompre le contrat, durant une période donnée, en échappant aux règles du droit du licenciement.
La décision de rompre n’a pas à être motivée.
Dans certains cas, toutefois, des employeurs sont sanctionnés lorsque la rupture est fondée sur un motif discriminatoire.
Dans pareil cas de figure, le salarié peut-il bénéficier d’une indemnité de préavis ?
Dans une décision récente du 12 septembre 2018, les magistrats ont exclu l’application des conséquences indemnitaires du licenciement discriminatoire à la rupture de la période d’essai.
Cette solution conforme à l’article L 1231–1 du code du travail qui exclut la période d’essai du champ des dispositions relatives à la rupture du contrat de travail, ne prive cependant pas le salarié de demander des dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Qu’en est-il du renouvellement de la période d’essai ?
Rappelons que le renouvellement de la période d’essai est soumis au respect de trois conditions :
- la possibilité du renouvellement doit être prévue par un accord de branche ;
- prévue par le contrat de travail ;
- et le salarié doit donner son accord exprès au renouvellement. Sur ce dernier point, et eu égard à la jurisprudence, les employeurs exigent souvent du salarié qu’il appose une mention manuscrite très explicite sur son acceptation du renouvellement.
Les magistrats semblent désormais aller au-delà, toutefois, de ces exigences :
Dans une décision récente du 27 juin 2018 la Cour de cassation a estimé qu’en ne s’expliquant pas sur la nécessité de prolonger l’évaluation des compétences du salarié et en pratiquant le renouvellement systématique de l’essai, l’employeur avait finalement détourné la période d’essai de sa finalité.
Ainsi la rupture de l’essai a été requalifiée, dans cette affaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce bien que le salarié ait expressément donné son accord au renouvellement.
Dans cette affaire, il faut savoir que le salarié avait pu produire des preuves de l’existence d’une procédure de renouvellement automatique des périodes d’essai dans l’entreprise. Parmi ces preuves, un mail de la DRH de la société qui en écrivant au supérieur du salarié concerné notifiait : « je vous confirme qu’il ne s’agit que d’une procédure standard qui ne remet absolument pas en cause la qualité de vos collaborateurs, il s’agit uniquement de se donner une latitude de six mois ce qui est un minimum pour un collaborateur cadre ».
Les magistrats ont pu relever également que de façon concomitante, 7 salariés de cette même entreprise avaient vu leur période d’essai renouvelée dans des termes identiques.
Faut-il déduire de ce qu’il précède que le renouvellement de la période d’essai peut ouvrir une brèche systématique à la contestation à l’initiative du salarié ?
Pas véritablement.
En effet, par un second arrêt du 27 juin 2018 les juges ont pu considérer qu’il suffit que le renouvellement d’une période d’essai ait pour but d’apprécier l’ensemble des compétences professionnelles du salarié pour qu’il soit justifié.
Dans cette affaire, l’employeur avait invoqué la nécessité d’apprécier les compétences professionnelles sans se référer à un renouvellement pour « nécessité technique » comme le prévoyait pourtant la convention collective applicable.
Pour autant les magistrats ont validé le renouvellement : les juges ont estimé que l’appréciation des compétences professionnelles caractérisait également la condition imposée par la convention collective.
Il est possible que l’assouplissement du régime du licenciement découlant des ordonnances macron conduisent les juges à durcir leur contrôle sur la période d’essai.
En tout état de cause le service juridique de la CSN est à votre disposition pour vous donner un avis en cas de rupture du contrat y compris dans le cadre d’une période d’essai.