BRÈVES SOCIALES
Il arrive qu’un employeur soit tenté de contester un certificat médical lorsqu’il le considère comme étant de « complaisance ».
Quelles sont les options possibles ?
Contre visite médicale : l’employeur peut diligenter une contre visite médicale. Si le médecin-contrôleur mandaté par l’employeur estime que l’arrêt maladie n’est pas justifié et conclut à la possibilité d’une reprise du travail, l’employeur peut suspendre le versement des indemnités complémentaires. Toutefois cette procédure ne lui permet pas de prononcer de sanction disciplinaire à l’encontre du salarié.
Saisine de l’ordre des médecins :
Une autre piste consiste à porter plainte devant l’ordre des médecins, sur le fondement des dispositions qui interdisent « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance » (c. santé pub.art. R. 4127-28). Le Conseil d’État a expressément admis en 2017 (décision du 11/10/2017 n° 403576) que les employeurs étaient en mesure d’exercer une telle action.
Précisément, un employeur décide de porter plainte devant l’ordre des médecins, en aout 2019 considérant que son salarié avait bénéficié d’un certificat de complaisance.
Le médecin prescripteur de cet arrêt, conformément au code de la sécurité sociale (art. L. 162-4-1) avait indiqué au médecin-conseil de l’assurance maladie les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail, en l’occurrence un « burn out ». Le médecin est sanctionné par un avertissement pour avoir conclu à un burn out au vu des seule déclarations du salarié par la chambre disciplinaire de première instance du Grand Est de l’ordre des médecins. La chambre disciplinaire nationale, saisie par le médecin confirme la sanction. Le médecin exerce alors le dernier recours dont il dispose et il saisit le Conseil d’État.
Le juge administratif va lui donner raison (CE 28/05/2024 n° 469089) car il considère que « la seule circonstance que le médecin ait fait état de ce qu’elle avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions de l’article R. 4127-28 du code
de la santé publique ».
Les conclusions du rapport public
sur cette affaire nous apportent plusieurs enseignements :
L’on pourrait éventuellement reprocher au médecin une certaine légèreté, mais pas la délivrance d’un certificat de complaisance car « la caractérisation d’un certificat tendancieux ou de complaisance exige davantage : soit que le médecin s’aventure sur un terrain qui n’est pas de nature médicale, s’immisçant dans une situation ou un conflit qui ne le concerne en rien, soit que son contenu s’avère délibérément inexact ou mensonger ».
le document délivré par le médecin n’est pas un certificat médical remis au patient et décrivant de façon un tant soit peu circonstanciée son état de santé et le lien avec sa situation professionnelle, « en s’aventurant au-delà des constatations médicales objectives, mais un simple formulaire Cerfa de prolongation d’arrêt de travail pour 15 jours, destiné au service du contrôle médical, la rubrique dédiée aux éléments d’ordre médical faisant un centimètre de hauteur, ce qui limite drastiquement la possibilité de s’étendre… »
Conscient du fait que les médecins sont plus que jamais sollicités sur ces questions, le rapporteur souligne que : « Compte tenu de la sensibilité du sujet et du risque qu’un tel document soit utilisé un jour dans un conflit entre employeur et salarié, un document à la fois plus détaillé et plus prudent, faisant part du constat d’un syndrome d’épuisement et de ce que les dires du salarié le relient à son activité professionnelle, aurait à cet égard sans doute été plus approprié. »